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La cathédrale de Strasbourg, née de multiples influences

© Fondation de l'Œuvre Notre-Dame, 2015
La cathédrale de Strasbourg est devenue un monument emblématique de l'architecture du Moyen Âge grâce à la diversité des origines de ses bâtisseurs et aux multiples influences dont elle a su s'inspirer.

En 1015, Strasbourg est une ville du Saint-Empire romain germanique. L'empereur Otton 1er a conféré à l'évêque depuis 873, la pleine juridiction sur la ville et le droit de battre monnaie. L'évêque Werner 1er de Habsbourg commence l'édification d'une nouvelle cathédrale avec le soutien du roi et futur empereur Henri II. Elle deviendra l'une des plus grandes cathédrales de l'époque.

Les influences réciproques

La cathédrale de Werner puise son inspiration dans le style ottonien. Elle influencera entre autres le plan et les techniques de construction de l'église de Limburg-an-der-Haardt et le chevet de Sainte-Marie de Mittelzell sur l'Île de la Reichenau. Les fresques de l'église Saint-Georges d'Oberzell sur l'Île de la Reichenau sont sans doute similaires à celles qui se trouvaient dans la cathédrale de Strasbourg à la même époque.

Abbatiale de Limbourg-an-der-Haardt

Église Saint-Georges d'Oberzell

Les influences sont diverses, Strasbourg imite à son tour la crypte de la cathédrale de Spire. Elle se dote, après l'incendie de 1136, d'une façade à deux tours dont le profil évoque celui des églises de Murbach ou Marbach.

Crypte de la cathédrale de StrasbourgCrypte de la cathédrale de Spire

En 1180, le maître du chœur prend pour modèle Worms. Entre 1196 et 1210, c'est à nouveau Spire, qui devient la référence du nouvel architecte pour la conception du bras nord du transept. Toutefois, la construction de la première voûte d'ogive montre que ce maître d'œuvre connaissait les chantiers contemporains des cathédrales d'Île-de-France.
La cathédrale de Strasbourg entre dans la « modernité » du nouveau style qui sera, au XIXe siècle appelé gothique.

Pilier des angesPlan B, vers 1260 - 1270
Une toute nouvelle équipe prend le relais vers 1210-1220 pour la construction du bras sud du transept. Maître d'œuvre, tailleurs de pierre et sculpteurs arrivent très certainement des chantiers de Champagne et d'Île-de-France. La force créatrice et architecturale de cette époque est symbolisée par le Pilier des Anges.
En 1277, la construction du nouveau massif occidental commence. Après s'être inspirée des cathédrales d'Île-de-France Strasbourg devient une référence grâce à son projet de façade innovante (le dessin dit « B »). 

 

Les architectes du Saint-Empire se succèdent

Erwin dit de Steinbach (maître d'œuvre de 1284 à 1318) marquera la construction du massif occidental par la création d'une façade en rideau. Johannes (m.o. 1319-1339) poursuit l'œuvre de son père Erwin dont la construction de la grande rose.

Construction de la grande rose en trois étapes

Chapelle Sainte-Catherine construite entre 1340 et 1347 et reconstruite à partir de 1542.
On doit la conception de la chapelle Sainte-Catherine au neveu d'Erwin, Gerlach (m.o. 1339-1371). La cathédrale Saint-Guy de Prague fera siennes l'architecture particulière des voûtes d'ogives de la chapelle et la clé de voûte pendante. Cette dernière sera aussi reprise sur le Palais des Papes d'Avignon.
Entre-temps, la Grande peste de 1349 ravage les rangs des artisans et provoque la disparition d'un outil utilisé de 1150 à 1349 sur la cathédrale : la polka, qui était plutôt employée pour la taille de pierre tendre d'autres régions.

 


En 1371, la cathédrale prend l'aspect de la cathédrale de Notre-Dame de Paris avec ses deux tours de la façade.
Michel de Fribourg entreprend la construction du beffroi, il est achevé en 1399 par Klaus de Lohr.
La cathédrale de Strasbourg arrive à un moment charnière de sa construction. Elle a l'ambition de dépasser en hauteur ses consœurs de Fribourg, Ulm, Cologne, Vienne et Ratisbonne. Cette tâche sera attribuée à Ulrich d'Ensingen. 

Sculptures du Moine et de l'Empereur (originale vers 1400/1410)


Le maître d'œuvre est réputé pour ses chantiers des églises d'Ulm et de Notre-Dame d'Esslingen près de Stuttgart et de la cathédrale de Bâle. Il est aussi consulté pour la construction du Dôme de Milan.

La cathédrale en 1439

Il entreprend alors la construction de l'octogone de la haute tour. Les sculptures sont fortement influencées par le style de bohème et en particulier de l'art pragois. Prague est à cette époque un centre artistique où convergent de nombreux artisans. Jean Hültz achève la flèche en 1439. Elle culmine à 142 m et devient le plus haut monument en pierre d'Europe, à des milliers de kilomètres de Strasbourg la pyramide de Khéops affiche toujours 146 m.  

L'itinérance des artisans et des maîtres d'œuvre

Les livres de comptes du début du XVe siècle du chantier de la cathédrale livrent quelques informations sur l'itinérance des bâtisseurs. En effet, ceux-ci travaillent d'un édifice à un autre selon l'importance du chantier ou encore de la saison. De même, le Livre de bourgeoisie strasbourgeois liste entre autres les origines des tailleurs de pierre, sculpteurs, parliers et maîtres d'œuvre. Ils viennent de la région rhénane, du Danube, de Rhénanie, de Lorraine, de Suisse, de Souabe, de Franconie ou encore de Thuringe.

Horloge astronomique
Les architectes, constructeurs ou restaurateurs, qui suivront ne feront pas exception à la règle et poursuivront cette tradition d'influences mutuelles et d'échanges. Hans Hammer a œuvré en Hongrie avant d'arriver à Strasbourg, Jost Dotzinger est né à Worms et a fait ses débuts à Bâle et plus tard la Renaissance italienne inspira Hans Thomann Uhlberger pour la création de l'horloge astronomique.Projet de boutiques (arcatures néo-gothique) de Jean-Laurent Goetz, 1771
En 1681, Strasbourg devient française.
La cathédrale verra ensuite se succéder Joseph Massol qui conçoit la sacristie et le facteur d'orgues Andreas Silbermann né en Saxe.
Au XVIIIe siècle, l'architecte du roi Louis XV Jacques-François Blondel restaurera la tour de la croisée du transept et Jean-Laurent Goetz originaire du Pays de Nassau créera les arcatures néo-gothiques qui porteront son nom.

Projet de Gustave Klotz, pour la tour de la croisée du transept
Au XIXe et XXe siècle, le Strasbourgeois Gustave Klotz donnera à la tour de la croisée du transept son aspect d'aujourd'hui et les architectes de Cologne Ludwig Arntz et Johann Knauth entreprendront des chantiers de restauration d'ampleur.

Travaux de consolidation des fondations du pilier de la tour (1906 - 1926)Ce dernier a d'ailleurs sauvé la cathédrale en consolidant le pilier qui soutient la haute tour et la flèche.
Johann Knauth est pourtant mort dans l'indigence (en 1924)  car il ne souhait pas changer de nationalité après la guerre.

De nombreux aléas ont marqué la cathédrale de Strasbourg, dans sa construction et dans son histoire. Elle est cependant devenue un monument emblématique et a su tirer parti de la diversité d'origines de ses maîtres d'œuvre et de ses artisans. Elle s'est aussi inspirée de ses consœurs européennes et les a inspirées à son tour.
De nos jours, la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame s'attache à poursuivre les échanges avec d'autres professionnels de la conservation-restauration. Des rendez-vous comme ceux organisés par l'Association des architectes de cathédrales (Strasbourg, Cologne, Fribourg, Bâle, Milan, Trondheim, Vitoria, etc.) sont des moments essentiels au partage d'informations et de techniques pour pérenniser les édifices pour lesquels nous travaillons.

Sources