Un ensemble sculpté sur le bras sud du transept
En 1493 est édifié sur la façade du bras sud du transept, un ensemble composé d'un dais, d'une accolade, de deux chapiteaux, d'une statue figurant l'évêque saint Arbogast, d'une console et d'un glacis orné de fleurs de lys. La statue sera détruite lors de la Révolution française.
Entre 1810 et 1812, le sculpteur Jean-Étienne Malade réalise, dans un style qui lui est propre tout en respectant l'iconographie médiévale, une toute nouvelle sculpture de l'évêque. Dans les années 1860, elle fait déjà l'objet d'une restauration puis elle est déposée en 1897 suite à l'observation de plusieurs altérations.
Le début des années 30 voit émerger l'idée d'une nouvelle création car la statue est estimée trop dégradée, elle […] n'a plus de doigts et les plis de ses vêtements tombent en morceaux […] et jugée inesthétique […] ne présentant que bien peu d'intérêt […] franchement mauvaise […]. Ces constatations sont consignées dans le procès-verbal de la Commission des Monuments Historiques de décembre 1931.
Le sculpteur Alfred Klem, à la tête de l'atelier de sculpture de la Fondation depuis 1913, conçoit alors une maquette en plâtre (patinée) à l'échelle 1 qui sera installée temporairement dans la niche en 1934. Toutefois, le projet de création d'une nouvelle statue en grès, à l'aube de la Seconde guerre mondiale, ne verra jamais le jour.
La niche reste vide et la sculpture d'Étienne Malade sera conservée dans un premier temps aux anciens ateliers de la Fondation rue du Grand Couronné, au barrage Vauban puis dans les ateliers de la Fondation dans le quartier de la Meinau.
En 2010, l'étude préalable concernant la conservation-restauration du bras sud du transept préconise la restitution de la statue d'Étienne Malade en copie-conforme. Cependant, lors de la réalisation du dossier de Demande d'autorisation de travaux en 2013), le nouvel Architecte en Chef des Monuments Historiques propose, après un constat d'état supplémentaire, une autre option, celle de la remise en place sur l'édifice de la sculpture du XIXe siècle. Cette proposition est acceptée par l'inspection générale des Monuments Historiques.
Des analyses complémentaires sont alors conduites pour évaluer ce choix, essentiellement sur la composition minéralogique du grès employé, ainsi que la nature des sels solubles et le degré de contamination de la statue.
Le protocole d'intervention
Les interventions se distinguent en quatre principales opérations : l'estampage et le moulage en plâtre ; la restitution, la sculpture des greffes et leurs scellements ; les traitements en conservation et la pose sur l'édifice.
L'estampage et les moulages
Albert Martz et Nathalie Masson ont estampé à l'élastomère la statue pour en effectuer une copie en plâtre puis un second moulage avec les parties manquantes modelées en terre glaise par Vincent Cousquer. Ces dernières ont servi à la réalisation des greffes en grès.
La sculpture des greffes
Une photographie de 1857 conservée dans les collections de la Fondation a notamment permis à Vincent Cousquer de restituer au plus juste les parties manquantes. Le grès choisi est différent pour chacune des greffes pour correspondre à la nature et aux teintes du grès d'origine :
- jaune assez clair (carrière de Bitburg en Allemagne) pour la main gauche, le bâton et le haut de la crosse ;
- jaune tendant vers le rouge (carrière de Bitburg en Allemagne) pour l'avant-bras et la main droite ;
- un peu plus rouge (carrière de Langensoultzbach en Alsace aussi appelé Staub) pour le drapé central.
Les artisans ont utilisé les réservations existantes des anciens goujons avec des compléments pour fixer les greffes. Les nouveaux goujons en bronze ont été coulés au plomb sauf pour la greffe du drapé central où les goujons en cuivre ont été scellés par une colle époxyde.
Le traitement en conservation
Mathieu Baud et Jonathan Waag ont mené l'ensemble des interventions en conservation ainsi que les prélèvements de poudre de grès (analyses par un laboratoire partenaire) et le suivi d'efficacité du dessalement par les mesures de conductivité des compresses.
Au préalable, la sculpture a été nettoyée en fonction de la nature et de l'accroche des dépôts et de leurs localisations par un procédé mécanique au moyen d'un scalpel et/ou par micro-abrasion.
Certaines zones où la concentration de sels solubles étaient importantes ont été dessalées par des compresses de deux types : la première, basée sur les principes de diffusion avec différentes longueurs de fibres de cellulose et des quantités d'eau déminéralisées adaptées en fonction de la profondeur de dessalement souhaitée ; la seconde constituée de cellulose, d'argile et de sable et reposant sur les principes d'advection.
Ils ont ensuite localement consolidée en surface la sculpture par un produit de la famille des silicates organiques à base d'ester d'acide silicique.
Les nombreuses fissures et micro-fissures ainsi que les derniers vides entre les greffes (après scellements) et la statue, ont été comblées par un coulis d'injection à base de chaux et pour les fissures de plus grandes tailles par un ester d'acide silicique élastique couplé à des charges minérales.
Quelques solins et ragréages ont été pratiqués au niveau des raccords et des zones fragilisés. Les mortiers de restauration, eux aussi à base de chaux ont été appliqués dans la teinte du grès en respectant sa granulométrie.
Enfin, les conservateurs ont harmonisé l'ensemble grâce à des oxydes naturels dilués à l'eau et ont fixé ces patines par de légères applications d'hydrofuge.
La pose sur l'édifice
Après 120 ans d'absence, Fabrice Seewald, Aymeric Zabolonne, Jonathan Waag et Mathieu Baud ont, le 25 octobre 2017, replacé la statue sur l'édifice. Après l'avoir hissé à 26 mètres du sol, le principal défi était d'introduire la sculpture de près de 800 kg dans sa niche entre son dais, son accolade et sa console et avec seulement quelques centimètres de marge à droite et à gauche et entre le bas et le haut.
L'opération de crowdfunding
La Fondation a pour la première fois fait appel au mécénat participatif. En avril 2015, 20 300 € ont été collectés grâce à 183 contributeurs en 40 jours
Le montant global des travaux de conservation-restauration était estimé à 57 100 €. Au lancement de l'opération, la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame en avait déjà financé une partie, 30 100 € :
- Recherches historiques → 1 000 €
- Analyses des pathologies (Laboratoire d'expertises en Monuments Historiques - Épitopos) → 1 300 €
- Moulage de la sculpture en deux tirages → 14 000 €
- Modelage et restitution en plâtre des parties manquantes dont l'étude technique → 13 800 €
- L'objectif du crowdfunding était de collecter 17 000 € pour la sculpture des greffes. Les 3303 euros supplémentaires ont permis de financer une partie des opérations en conservation, estimé à 6 000 €. Le coût de la pose s'est élevé quant à elle à 4000 €
En février 2018
L'ultime opération pour clore cette histoire sera la fixation définitive du crosseron en cuivre de la crosse, dessiné par Vincent Cousquer et réalisée par Ateliers d'Art Chéret à Paris et l'Atelier Saint Eloi (Ciseleur-orfèvre Antoine Legouy) à Angers. La pose et l'ancrage sera renforcé par Dominique avant la dépose d'une partie de l'échafaudage du bras sud du transept, au mois de février 2018. Saint Arbogast sera alors visible depuis la place du Château. La statue fera l'objet d'un suivi particulier de son évolution sanitaire.
Les intervenants
- Christiane Schmüclke-Mollard : Architecte en Chef des Monuments Historiques de 1999 à 2012
- Pierre-Yves Caillault : Architecte en Chef des Monuments Historiques depuis 2012
- Éric Salmon : Directeur technique
- Frédéric Degenève : Responsable des Ateliers de la cathédrale
- Sabine Bengel : Historienne de l'art
- Sandrine Ruef : Documentaliste
- Vincent Cousquer, Albert Martz, Nathalie Masson : Sculpteurs
- Christian Jung : Responsable du parc à blocs des grès
- Dominique Meyer : Serrurerier-forgeron
- Mathieu Baud : Conservateur-restaurateur
- Jonathan Waag : Tailleur de pierre, spécialisé en conservation
- Vincent Munio : Tailleur de pierre
- Aymeric Zabollone : Tailleur de pierre
- Fabrice Seewald : Responsable de chantier
- Sonia Zilli : Chargée de communication