Halloween ou comment le fonds documentaire de la Fondation peut répondre aux questions les plus incongrues.

Jonas sous la citrouille, porte en bronze du portail central, crédit : F.OND, image : Pascal Renard
Jonas sous la citrouille, porte en bronze du portail central, crédit : F.OND, image : Pascal Renard – Alsace 360 – Extrait de la THD

Nous sommes le 4 octobre 2016

SONIA — Que proposes-tu comme objet du mois ?

SANDRINE — Avec Sabine, nous pensions aborder les livres journaliers.

SONIA — Tu n’aurais pas quelque chose qui colle avec le mois d’octobre, Halloween par exemple ?

SANDRINE — Quelle drôle d’idée, je cherche …

Quelques jours plus tard Thierry, qui renseigne actuellement la base de données documentaire, s’interroge sur une photo de la porte en bronze du portail central de la cathédrale de Strasbourg. Sandrine et lui débusquent alors une photographie d’une des plaques de la porte « Jonas sous la citrouille  » dans le livre de Michel Zehnacker, La cathédrale de Strasbourg (1993, éd. M. Laffont, cote AC450).
Halloween – Citrouille – Jonas, c’est un peu tiré par les cheveux mais c’est tout de même un clin d’œil sympathique à cette tradition anglo-saxonne. Si bien entendu aucune représentation directe d’Halloween n’est à retrouver sur la cathédrale, cette petite plaque de bronze et son histoire permettent de découvrir la diversité du fonds documentaire de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame.

Mais où est Jonas

Plusieurs sources décrivent la plaque, dont la plus ancienne gravure du portail central conservée à la Fondation. A. Danegger l’a probablement réalisée au XVIIe siècle (inv. 236). On peut lire dans l’inventaire des plans du XIXe siècle Das grosse Portal /samt der Messingenen Thür/ des Münsters zu Straßburg mit schönen Figuren geziert/und sehr  merkwürdig zusehen. C’est une gravure sur papier, de dimensions 30 x 17 cm, mais elle ne permet toutefois pas d’identifier les plaques distinctement, le programme sculpté du portail étant l’élément central de la gravure. 
Par ailleurs, un petit opuscule de 1879, Die neuen Thürflügel des Münsters zu Strassburg, conservé à la bibliothèque de la Fondation (cote AC3502), relate la pose des nouvelles plaques d’airain des portes du portail central de la cathédrale. Sur le vantail de gauche, le 2e registre représente les figures vétérotestamentaires qui auraient inspiré le Christ. Parmi elles, Adam, Noé, Salomon, Daniel, et Jonas unter der Kürbis, Jonas sous la citrouille.

Gustave Klotz, architecte de la cathédrale et de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, fait réaliser en 1870 une série de dessins en coupe et en élévation pour la mise en place de nouveaux vantaux (inv. 2858a), dont les détails ne sont pas lisibles sur le plan. Les études de la restitution des vantaux commenceront quant à elles à partir de 1876.

Les portes, réalisées en sapin par le maître-menuisier strasbourgeois Dauphiné, sont ornées de plaques de bronze réalisées par Jean-Alexandre Chertier, maître graveur, d’après un dessin de Louis Steinheil qui exécuta entre autres ceux de la voûte du chœur de la cathédrale. Elles reprennent pour partie les motifs originaux des plaques installées en 1343 par le maître d’œuvre Johannes Gerlach bien que nous ne savons pas si Jonas apparaissait déjà sur la plaque au Moyen Âge (La cathédrale de Strasbourg, du génie humain à l’éclat divin, éd. Éditions du signe, Fabien Baumann et Claude Muller, cote AC481).

Jonas apparaît également à deux autres endroits sur la cathédrale. Il est représenté, dans la gueule de la baleine, sur l’ébrasement droit du tympan du portail central, 4e voussure en partant de l’intérieur. On retrouve ce personnage biblique sur la frise dite « symbolique » située sur la tour, côté nord.

Jonas est le 5e des douze petits prophètes de la Bible. Il est aussi un prophète reconnu de l’Islam (Yunus).
Envoyé par Dieu à Ninive pour annoncer la destruction de la ville, Jonas désobéit et fuit sur un bateau. La colère divine fait s’abattre une tempête et Jonas est jeté par-dessus bord par les marins qui le tiennent pour responsable. Recueilli dans les entrailles d’un grand poisson pour trois jours et trois nuits, puis recraché, il part ensuite accomplir sa mission à Ninive. Dieu ne réalise portant pas la prophétie, Jonas s’emporte contre lui et se retire sur une colline pour observer la ville. Dieu fait alors pousser une citrouille au-dessus de lui pour lui donner de l’ombre, avant de la faire périr. Jonas, exposé aux feux du soleil, proteste et souhaite mourir. Dieu reproche alors à Jonas de se plaindre de la mort d’une plante pour laquelle il n’a pas peiné et non sans humour compare cet épisode à celui de la non-destruction de Ninive que Jonas lui a précédemment reproché.

Comme souvent dans les belles histoires il y a un « mais », cette fameuse citrouille citée par saint Augustin (voire du lierre dans certains textes) est en fait du ricin dans la Bible hébraïque.

Pour admirer le portail central (et toute la façade occidentale) en Très Haute Définition (THD), rendez-vous sur le site www.alsace-360.fr.