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Le statuaire Philippe Grass

© Crédit F.OND, photographie Vincent Cousquer
Philippe Grass est le sculpteur emblématique de la cathédrale de Strasbourg au XIXe siècle.

Les premières reconnaissances

Philippe Grass, né le 6 mai 1801 à Wolxheim, s’installe à 17 ans à Strasbourg, pour se former à la sculpture dans l’atelier de Landolin Ohmacht (1760-1834). Il reste cinq années auprès de ce maître, avant de rejoindre Paris, en 1822, pour suivre les cours de l’École des Beaux-Arts. Il intègre l’atelier du baron François-Joseph Bosio (1768-1845) et y reste jusqu’en 1829, avant de voler de ses propres ailes et d’ouvrir un atelier à Paris. Philippe Grass présente ses premières œuvres au Salon de 1831, où il se fait remarquer avec son Icare essayant ses ailes. Il reçoit une médaille de 2e classe au Salon de 1834, avec sa Suzanne surprise au bain et continue ensuite à présenter des œuvres au Salon presque chaque année, jusqu’en 1873, et produit un nombre considérable de portraits en bustes et en médaillons.

Le sculpteur face au géant

Statue de la Madone par Philippe Grass, portail du massif occidental, crédit F.OND

En plus de ses créations personnelles, Philippe Grass participe à des concours afin d’obtenir des commandes de statues monumentales et de vivre de son art. Il échoue face à Charles Émile Seurre pour la statue de Napoléon 1er de la colonne Vendôme à Paris, mais remporte, face à celui-ci et à d’autres sculpteurs prestigieux comme James Pradier, le concours de la statue de Kléber à Strasbourg, en 1834. Face à la concurrence et à la difficulté d’obtenir des commandes officielles, Philippe Grass concours également au poste de statuaire de la cathédrale de Strasbourg, vacant depuis le décès de Jean Vallastre, en 1833. Il le remporte face à ses confrères André Friedrich, Frédéric Kirstein et Anne Catherine Sichler (Vallastre). Lorsqu’il apprend la nouvelle nomination de Philippe Grass, son ami, l’écrivain breton Émile Souvestre, le met en garde, lui disant « méfiez-vous, le géant vous dévorera ! ». Cette activité, qui est pour Philippe Grass « plus honorifique que lucrative », et qui le rattache à sa terre natale, lui prend en effet beaucoup de temps et d’énergie, mais ne l’empêche pas de continuer à produire des créations dignes des plus grands de son temps.

Au chevet de la cathédrale
Statues de Philippe Grass, chapelle Saint-Laurent, crédit F.OND, photographie Vincent Cousquer

À partir de 1835, Philippe Grass devient donc officiellement statuaire de la cathédrale, même s’il est encore très peu présent à Strasbourg car toujours occupé par son atelier parisien. Il se charge notamment de la réalisation de la statue de Kléber et des deux bas-reliefs qui sont posés sur le piédestal de la statue. Lorsque celle-ci est terminée et coulée dans le bronze, elle est acheminée par voie fluviale jusqu’à Strasbourg. L’inauguration à lieu le 14 juin 1840, dix jours avant la statue de Gutenberg de David d’Angers. Ensuite, même s’il garde un atelier à Paris où il reste actif, il commence à restaurer un nombre considérable de statue pour la cathédrale, sous la conduite de l’architecte Gustave Klotz, à partir de 1837, et dans un atelier mis à sa disposition par la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame. Il restaure, par ordre chronologique ; les statues dans la chapelle Saint-Laurent ; La Madone de la Maison de l’Œuvre Notre-Dame ; les statues du Jugement Dernier du beffroi ; les anges musiciens et le Christ en mandorle de la galerie des apôtres ; des statues équestres et des statues d’évêques pour le massif occidental. Il ajoute également les figures du mythe romantique de la famille de Steinbach ; la statuaire Sabine (1844) et le maître d’œuvre Erwin (1866), devant le croisillon sud du transept.

Les dernières restaurations

Enfin, suite aux bombardements de Strasbourg pendant la guerre de 1870, Philippe Grass passe la fin de sa vie à restaurer une partie de ses sculptures détruites à cette occasion. Il restaure celles qui étaient exposées par la Société des Amis des Arts à l’Aubette (Icare, la Jeune bretonne, le Buste d’Ohmacht). Il intervient aussi sur sa statue du préfet Lezay-Marnésia, inaugurée en 1857 ; le portrait en buste de Louis Apffel, à l’Opéra du Rhin ; quelques statues de la cathédrale ; le « fier guerrier » de style Renaissance, du pignon de la Maison de l’Œuvre Notre-Dame. Il abandonne son atelier à Paris en 1875, où il détruit toutes ses œuvres dans un accès de rage, et meurt à Strasbourg le 12 avril 1876. Son corps repose à Wolxheim, auprès de ses proches, et sa tombe est ornée d’un ange, qu’il a sculpté dans le grès en 1837, sans jamais l’achever.

Sources :

  • COUSQUER Vincent, Mémoire sous la direction de Marc C. Schurr et Christine Peltre : Philippe Grass, créations et restitutions des statues de la cathédrale de Strasbourg, de 1835 à 1876 : ou le temps des cathédrales idéalisées, 2015
  • COUSQUER Vincent, Philippe Grass, statuaire alsacien du XIXe siècle. Un artiste au service de la cathédrale de Strasbourg pendant une quarantaine d’années – première partie, Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, n° XXXI, 2014, p. 177-198.
  • Idem, deuxième partie, BCS, n° XXXII, 2016, p. 159-174.
  • Idem, troisième partie, BCS, n° XXXIV, 2020, p. 177-202.