Un travail de qualité demande les bons outils. En matière de conservation-restauration, l’outillage traditionnel d’un savoir-faire ancien s’impose. Les équipements modernes apportent toutefois une aide précieuse aux artisans de la cathédrale, en adéquation aux nouvelles méthodes d’intervention.

Outils traditionnels © Fondation de l'Œuvre Notre-Dame, 2013
Outils traditionnels © Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, 2013

L’outillage du Moyen Âge est bien connu des artisans d’aujourd’hui, héritiers des savoir-faire traditionnels. Même si les redécouvertes restent possibles, comme la polka par des tailleurs de pierre, les outils ont peu évolué dans leur forme, si ce n’est dans leur constitution.

L’évolution des outils traditionnels

Les artisans exercent leur métier à la main et utilisent aujourd’hui les mêmes outils que leurs ancêtres du Moyen Âge. De la forge à la sculpture, les innovations sont rares, et se résument souvent à adopter d’autres énergies que la force des bras. Les machines d’aujourd’hui ne sont souvent que des outils séculaires mus par l’électricité ou l’air comprimé.

L’outillage des bâtisseurs

L’atelier de taille de pierre est doté d’outils dont la forme est restée inchangée depuis des siècles. L’outillage à main traditionnel du tailleur de pierre se classe en deux grandes familles :

  • Les outils à percussion frappée, qui nécessite l’emploi d’un maillet ou d’une massette, parmi lesquels on retrouve la pointerolle, la gradine, le ciseau et le fer à charruer.
  • Les outils à percussion lancée, munis d’un manche et qui s’utilisent à deux mains, comme la laie, le deux-pics ou la polka.

Les outils pneumatiques sont proscrits au sein des ateliers pour garantir une approche plus fine et fidèle de la restauration.

Le sculpteur utilise quant à lui des outils à percussion frappée, comme la pointerolle, la gradine et plusieurs formes de ciseau. Il a encore recours à la technique des trois compas héritée de l’Antiquité, même depuis l’élaboration plus tardive (XIXe siècle) de la machine à mettre au point dédiée à la grande statuaire.

La forge se trouve également équipée de manière traditionnelle, avec l’enclume, les marteaux, les pinces et les sabots, issus d’une longue tradition. Seul le soufflet manuel a réellement disparu, remplacé par un mécanisme motorisé.

L’atelier de menuiserie n’est pas en reste en matière d’outils anciens, même si les machines-outils ont pris le relais des rabots et des scies. Les ciseaux à bois, les gouges et l’herminette, par exemple, gardent leur utilité pour certains travaux délicats.

L’outillage traditionnel demeure également sur le chantier, où la truelle et le fil à plomb conservent leur forme aux travers des siècles. Les maçons d’aujourd’hui utilisent des pinces de pose, forgées à la main tout comme celles les artisans du Moyen Âge.

Les outils redécouverts

Les artisans de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame sont garants de leur héritage. Notamment par la recherche de l’authenticité au travers d’outils traditionnels délaissés. Ainsi, l’usage de la polka disparaît au XIVe siècle. Elle est redécouverte par les artisans de la Fondation et utilisée depuis lors des restaurations.

D’autres techniques anciennes restent présentes au sein de la Fondation. Sur le chantier, les contraintes spécifiques à l’édifice conduisent souvent à l’emploi d’outils traditionnels éprouvés. Les coins éclateurs, par exemple, s’avèrent plus efficaces à la refouille des gros éléments de corniche qu’une disqueuse.

Les apports historiques et les transformations

Au fil des siècles, quelques innovations notables enrichissent l’outillage de la taille de pierre. Le fer à charruer, datant sans doute du XVIe siècle, et le peigne, plus tardif encore, laissent leurs empreintes. La connaissance de ces évolutions permet par exemple de dater assez précisément les aspects de taille.

L’outillage à main moderne, utilisé en complément des outils forgés, comporte une amélioration précieuse au tailleur de pierre. Le tranchant des outils est en tungstène, bien plus résistant à l’abrasion que l’acier trempé des outils forgés.

Les équipements modernes

Par mesure de sécurité d’abord, puis par souci d’efficacité, les ateliers de la cathédrale adoptent également les progrès de l’équipement moderne. Les tâches les plus lourdes, comme le bardage et le sciage, en sont grandement allégées.

Les machines

Les engins de bardage et de levage, comme les palans électriques et les chariots élévateurs, ont remplacé leurs ancêtres du Moyen Âge, comme la roue d’écureuil. Les cordages des chèvres et des cabestans d’antan sont devenus des élingues textiles et des chaînes inoxydables. Les échafaudages sont maintenant métalliques et modulaires, et sont desservis par des monte-charges électriques. Certaines de ces machines anciennes sont remarquablement illustrées dans les cahiers de croquis de Hans Hammer, architecte de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame à qui on doit la chaire.

L’équipement électroportatif apporte également sa contribution pour les percements et les coupes parfois nécessaires sur le chantier.

En matière de prévention des risques professionnels, les aspirateurs individuels protègent les artisans des particules dangereuses, comme la poussière siliceuse du grès.

L’atelier de sciage est également bien doté en machines. La scie à fil diamanté, et le disque de la débiteuse à commande numérique apportent un gain de temps évident, et limitent grandement la perte de matière. L’équipement de la menuiserie suit la même logique, comme la forge dans une moindre mesure.

Les nouvelles techniques

La conservation pratiquée depuis 15 ans sur la cathédrale de Strasbourg, a apporté son lot de techniques et d’instrumentation spécifiques. Du petit outillage (spatules, brosses, vaporisateur) aux machines spécialisées, comme la micro-gommeuse, les récentes générations d’artisans s’approprient un matériel encore inédit il y a vingt ans. Les ateliers sont dotés d’un laboratoire équipé en matériel d’analyse, d’observation et de mesures.

L’ère numérique

En plus d’être un outil de communication et d’administration, l’informatique et plus particulièrement le Dessin Assisté par Ordinateur (DAO) est devenu commun au métier d’appareilleur. Le bureau d’études produit aussi les dossiers d’études, les fiches de taille et les gabarits en format numérique.

En matière d’instruments de mesure, le distancemètre, le conductimètre et l’hygromètre apportent leur précision numérique aux différentes études. Les cartographies s’appuient aujourd’hui sur la photogrammétrie.

La veille technique et technologique constitue l’une des missions de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame. La Fondation est d’ailleurs attentive aux nouvelles technologies telles les drones et les scanners 3D mais également le nettoyage par laser, qui rejoindront peut-être l’équipement des restaurateurs de demain.