Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1439
Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1439, crédit : F.OND/ Stéphane Potier – Inventive Studio

La flèche de la cathédrale de Strasbourg est construite par Jean Hültz de Cologne. Maître d’œuvre à partir de 1419, sa réalisation est innovante et exceptionnelle. La flèche, entièrement ajourée, rompt avec les projets classiques de l’époque.

Jean Hültz, le nouvel architecte de la cathédrale

Contrat d’embauche de Jean Hültz de Cologne (1419)
Contrat d’embauche de Jean Hültz de Cologne (1419), crédit : Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg

En 1419, après la mort d’Ulrich d’Ensingen, son parlier Jean Hültz de Cologne, est choisi comme maître d’œuvre de la cathédrale de Strasbourg. Il est confirmé dans ce rôle par une commission d’experts, invitée à Strasbourg pour évaluer les candidatures. Il occupera ce poste jusqu’à son décès en 1449.

En parallèle, Jean Hültz est architecte de la grande église paroissiale d’Ulm pour laquelle il prévoit la construction d’une tour immense.

Un nouveau projet pour la flèche

ULM, EV. GESAMTKIRCHENGEMEINDE, ARCHIV DES MUNSTERBAUAMTS, MATTHAUS ENSINGER
ULM, EV. GESAMTKIRCHENGEMEINDE, ARCHIV DES MUNSTERBAUAMTS, MATTHAUS ENSINGER (DEPOSTTUM STAOTAROHNV ULIA)

Un nouveau projet pour la flèche voit le jour sous la direction de Jean Hültz, qui adopte une approche radicalement différente de celle de son prédécesseur. Il commence par achever la construction du petit étage de l’octogone ainsi que des tourelles d’escalier, en suivant le plan d’Ulrich d’Ensingen. Cependant, il n’érigera ni l’escalier en vis central ni la voûte destinée à le soutenir, seules les amorces de cette dernière sont conservées.
Le maître d’œuvre rehausse la tour octogonale et les quatre tourelles existantes pour accéder au-dessus du petit étage. Il achève l’octogone par une voûte festonnée et conçoit une pyramide à huit côtés sur laquelle reposent huit escaliers. Ces derniers convergent vers un lanternon octogonal entouré d’une balustrade. La flèche est couronnée d’une croix, qui jadis était ornée d’une statue de la Vierge.
En 1439, la cathédrale de Strasbourg culmine à 142 mètres et devient le monument le plus haut de tout l’Occident. Elle suscite l’admiration de ses contemporains qui la désignent comme la « huitième merveille du monde ».

La date de la fin des travaux de la flèche

Baldaquin avec la marque de Jean Hültz situé au niveau de la flèche, crédit : F.OND
Baldaquin avec la marque de Jean Hültz situé au niveau de la flèche, crédit : F.OND

Malgré l’hypothèse d’un achèvement tardif de la flèche (peu avant 1500), la date de 1439 semble la plus objective dans l’état actuel des connaissances.
Plusieurs arguments peuvent être avancés pour appuyer cette datation :

  • Le livre de comptabilité de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame de 1439-1440 mentionne, parmi les dépenses de l’année 1439, l’achat d’une quantité de fer pour fixer la croix sur la tour (Item umb ein burge woge Isens zum Crutz uff dem Turne XVIIIß). Or, le terme de tunre (tour) n’est jamais utilisé pour l’autre tour de la cathédrale : la tour de la croisée du transept.

  • La marque lapidaire de Jean Hültz était visible à différents endroits stratégiques de la flèche. Elle l’est encore de nos jours sur un baldaquin situé en haut de la flèche.

  • L’épitaphe de Jean Hültz rappelle le mérite de l’architecte :
    En 1449, trépassa l’honorable Jean Hültz, habile dans les arts, maître d’œuvre de cet édifice, qui acheva la haute tour ici. L’art n’a jamais rien produit de plus élevé (1449 starb der ehrsam kunstreich Johann Hültz, Werkmeister dieses Buwes und Vollbringer des hohen Thurns hier zu Strassburg. Dem Gott Gnad. Nit höher die Kunst).
    Cette épitaphe, aujourd’hui dissimulée par les murs du grand séminaire, est située sur le même contrefort de celle, encore visible, de la famille de l’architecte Erwin.

Le bourdon de 1427

Un autre événement marque cette période : la fonte du bourdon en 1427 par maître Hans Gremp. Cette imposante cloche, de 8 500 kilos et d’un diamètre de 2,20 mètres, est sans doute installée dans la tour sud de la cathédrale. À l’origine, elle sonnait le glas (cloche des morts) et annonçait aussi le sermon dominical. À cette époque, c’est la cloche la plus ancienne, la plus grande et la plus lourde de la cathédrale de Strasbourg.

Elle porte l’inscription suivante :
Anno D[omi]ni MCCCCXXVII mense julii fusa sum per magistrum Joannem de Argentina – nuncio festa, metum, nova quædam, flebile læthum.
En l’an de grâce 1427, au mois de juillet, je fus fondue par maître Jean de Strasbourg. J’annonce les jours de fête, la crainte, les mauvaises nouvelles et la mort.
Im Jahre des Herrn 1427, des Monats Juli, wurde ich durch Meister Johann aus Straßburg gegossen. Ich verkündige Festtage, Furcht, etliche Nachrichten, beweinenswerten Tod.

La cathédrale est achevée mais elle évoluera encore dans les siècles à venir notamment avec les premières restaurations.