Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1235 © Fondation de l'Œuvre Notre-Dame/ Stéphane Potier - Inventive studio
Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1235 © Fondation de l’Œuvre Notre-Dame/ Stéphane Potier – Inventive studio

Au tournant de l’année 1180, un ambitieux projet est lancé pour reconstruire et moderniser les parties orientales de la cathédrale de Strasbourg tout en conservant ses fondations d’origine. Les plafonds charpentés cèdent la place à des voûtes en pierre, et la rénovation du chœur et du transept est menée par au moins trois maîtres d’œuvre successifs.

Ces travaux sont dirigés par l’évêque Henri de Hasenbourg (1180-1190), un proche du pouvoir impérial. La maison des princes de Hohenstaufen règne sur l’Empire et considère l’Alsace comme « la plus chère » de leurs possessions familiales.

Ses représentants les plus connus sont les empereurs Frédéric I Barberousse (empereur de 1155 à 1190), Henri VI (empereur de 1191 à 1197) et Frédéric II (empereur de 1220 à 1250).

Le maître du chœur, vers 1180-1190

À la suite de plusieurs incendies, un maître d’œuvre anonyme, désigné sous le nom de « maître du chœur » reconstruit l’abside, la croisée et sa coupole octogonale ainsi qu’une partie des murs du transept. Il s’inscrit dans la tradition des constructions rhénanes et s’inspire en particulier du chœur occidental de la cathédrale de Worms, achevé en 1188. Worms, située en Rhénanie-Palatinat sur la rive gauche du Rhin, au cœur du pouvoir impérial, exerce une influence significative sur l’esthétique architecturale en cours dans la région du Rhin supérieur.
C’est à cette époque que les marques lapidaires font, pour la première fois, leur apparition sur la surface visible des pierres, maîtres d’œuvre, tailleurs de pierre et autres artisans demeurent toutefois anonymes.

Le maître d’œuvre du bras nord du transept, vers 1190-1210

Entre 1190 et 1210, une nouvelle phase de reconstruction démarre, concentrée sur le bras nord du transept de la cathédrale. Le style roman demeure la référence, mais cette fois-ci, la cathédrale de Spire, la plus imposante des cathédrales romanes de l’Empire, sert de modèle. Cependant, certains détails architecturaux du bras nord démontrent une connaissance des chantiers gothiques d’Île-de-France.
À ce stade, la nef romane d’origine n’a pas encore fait l’objet d’une reconstruction, seuls les vitraux sont renouvelés. Une partie de ces vitraux illustre les souverains du Saint-Empire romain germanique. Aujourd’hui ces vitraux, adaptés aux baies gothiques de la cathédrale, sont visibles dans le bas-côté nord de la nef.
Le maître d’œuvre déplace ensuite son chantier du bras nord du transept au bras sud, où il érige le double portail de la façade sud. À cette époque, ce portail ne porte pas encore l’ornementation sculptée qui le caractérise aujourd’hui.

Le maître d’œuvre du bras sud du transept, vers 1210/1220-1235

Le maître d’œuvre responsable de cette phase de construction opère un changement radical de style. Sans doute familiarisé des chantiers d’Île-de-France et de Champagne, il introduit le style gothique avec de nouvelles techniques de construction.

Le style gothique se caractérise par des murs de plus en plus minces, de grandes baies, ainsi que l’utilisation des voûtes en ogives, associées aux arcs-boutants, culées et contreforts.

Hypothèse de restitution du chantier gothique de la cathédrale de Strasbourg vers 1235, crédit : F.OND, 3D : Inventive Studio - Stéphane Potier
Hypothèse de restitution du chantier gothique de la cathédrale de Strasbourg vers 1235, crédit : F.OND, 3D : Inventive Studio – Stéphane Potier

Le choix du maître d’œuvre et la consécration de l’évêque de Strasbourg, Henri II de Veringen (en poste entre 1202 et 1223) ont sans doute influencé l’introduction de ce nouveau style architectural. En effet, l’évêque, qui n’a pu être ordonné par son métropolitain, l’archevêque de Mayence, est enfin sacré en 1207 à Sens, où la cathédrale gothique est en pleine construction.
Les travaux sont réalisés par une nouvelle équipe de maçons, de tailleurs de pierre et de sculpteurs, artisans du décor sculpté du portail sud ainsi que du pilier des Anges, de véritables chefs-d’œuvre de la sculpture monumentale européenne.
À la fin du chantier du bras sud du transept, les murs gouttereaux des deux premières travées des bas-côtés de la nef sont érigés. La construction ultérieure des chapelles Sainte-Catherine (XIVe siècle) et Saint-Martin (XVIe siècle) efface les rares vestiges qui subsistaient de cette première phase de la construction de la nef.

L’Œuvre Notre-Dame

L’institution nommée par la suite « Œuvre Notre-Dame » (en allemand Frauenwerk) voit le jour au début du XIIIe siècle. Sa première mention, opus sancte maria, date des années 1224-1228. Il s’agit de la fabrique de la cathédrale qui gère et dirige le chantier de reconstruction de la cathédrale de Strasbourg. Grâce à la création d’un atelier couvert, elle permet aux différents corps de métiers nécessaires à la construction de s’installer de manière permanente sur place, assurant ainsi la continuité des travaux en toutes saisons.

La cathédrale de Strasbourg traverse une période de transition architecturale majeure, passant du style roman au style gothique, et cette évolution se poursuit avec la construction de la nef.