Découvrez 800 ans d’histoire d’une institution dédiée à la préservation et à la conservation-restauration de la cathédrale de Strasbourg.

La création de l’institution

Première mention de l’Œuvre Notre-Dame dans le Liber regulae
Première mention de l’Œuvre Notre-Dame dans le Liber regulae, crédit : Bibliothèque Humaniste de Sélestat, BHS-MS091-0196

Au début du XIIIe, l’évêque de Strasbourg et le chapitre de la cathédrale fondent l’Œuvre Notre-Dame. Leur objectif est de gérer les dons, legs et de superviser le chantier de reconstruction de la cathédrale romane. L’Œuvre Notre-Dame apparaît pour la première fois vers 1224-1228, sous le terme latin d’Opus Sancte Marie, dans un inventaire de terrains (Liber regulae) du chapitre. Les administrateurs, désignés sous le terme maîtres d’œuvre (magistri operis), sont également mentionnés dans ce document.

La bataille de Hausbergen du 8 mars 1262 marque un tournant dans l’histoire de l’Œuvre Notre-Dame (en allemand : Das Werk Unserer Lieben Frau ou Frauenwerk). Cette bataille met fin à la domination épiscopale sur Strasbourg, qui devient alors une ville libre d’Empire. À cette occasion, l’évêque et le chapitre perdent une partie de leurs prérogatives sur l’Œuvre Notre-Dame. À partir des années 1280-1290, sa gestion est confiée au magistrat de Strasbourg. Le chapitre conserve toutefois un certain contrôle sur la Fondation jusqu’en 1648.

L’administration et les métiers de la Fondation

Table à calculer du receveur, dans la salle des administrateurs, XVIIe siècle
Table à calculer du receveur, dans la salle des administrateurs, XVIIe siècle, crédit : Musées de la Ville de Strasbourg

Au Moyen Âge, la gestion de l’Œuvre Notre-Dame est supervisée par un receveur ou régisseur (en allemand : Schaffner) chargé de la gestion financière mais aussi de la surveillance et de rémunération des artisans et autres employés. Le contrôle de l’institution est assuré par trois curateurs ou administrateurs (Pflerger). Ils sont nommés par le magistrat de la ville de Strasbourg. Le maître d’œuvre (Werkmeister) supervise l’atelier des tailleurs de pierre, sculpteurs, maçons, forgerons, menuisiers, charpentiers et verriers. Il est assisté par le contremaître ou l’appareilleur (Parler ou Parlier). Les carrières de grès de la Fondation sont exploitées par les maîtres de carrières (Grubenmeister).

De la cathédrale à la Loge Suprême : la renommée grandissante de la Fondation

La salle de la loge des tailleurs de pierre et des maçons, musée de l'Œuvre Notre-Dame,
La salle de la loge des tailleurs de pierre et des maçons, musée de l’Œuvre Notre-Dame, crédit : Musées de la Ville de Strasbourg, photo : Mathieu Bertola, 2023

La construction de la flèche de la cathédrale de Strasbourg, s’achève en 1439 et marque un tournant pour l’Œuvre Notre-Dame. Elle obtient alors le prestigieux titre de Loge Suprême du Saint-Empire romain germanique lors du rassemblement des maîtres d’œuvre à Ratisbonne en 1459. Dès lors, les loges de Cologne, Vienne, et Berne (plus tard Zurich) sont placées sous la juridiction de Strasbourg, qui joue un rôle de médiation dans les litiges impliquant les tailleurs de pierre.

Arrêté consulaire (détail, art. 1 et 2), 1803
Arrêté consulaire (détail, art. 1 et 2), 1803, crédit : Archives de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg, 3OND49

Par la suite, l’Histoire de Strasbourg et de l’Œuvre Notre-Dame est marquée par de grands bouleversements politiques et des conflits religieux. Après la guerre de Trente ans, en 1648, le traité de Westphalie rattache une grande partie de l’Alsace à la France. En 1681, Strasbourg encore ville libre d’Empire, capitule devant Louis XIV et devient française. La cathédrale retrouve alors son statut catholique après 152 ans de protestantisme. En 1727, Strasbourg perd son statut de Loge suprême par décret impérial.

En 1789, année de la Révolution Française, la cathédrale devient propriété de l’État. Quatre ans plus tard, les biens de la Fondation de l’Œuvre Notre‑Dame sont nationalisés et confiés à la Régie des domaines. Il faut attendre 1803, pour que Napoléon Bonaparte restitue la gestion de l’institution à la ville de Strasbourg par un arrêté consulaire.

Cet arrêté constitue encore aujourd’hui la base légale de l’activité de la Fondation dont les biens et revenus sont affectés à l’entretien et à la conservation de la cathédrale de Strasbourg.

Les défis de l’Histoire : un statut préservé

Malgré les aléas de l’Histoire – les guerres et changements de nationalité successifs – le statut de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame n’a jamais été remis en question. Aujourd’hui, elle demeure une institution unique en France dont la mission est de veiller à l’entretien et à la conservation-restauration de la cathédrale de Strasbourg. Depuis 1999, grâce à une convention entre l’État et la Fondation, cette dernière est désignée comme maître d’ouvrage délégué pour une partie des travaux de la cathédrale. Un architecte en chef des Monuments Historiques (Pierre-Yves Caillault depuis 2013) assure la maîtrise d’œuvre de ces opérations.

La Fondation aujourd’hui : Un héritage vivant

Depuis 2017, la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame est inscrite à l’inventaire français du Patrimoine culturel immatériel. Depuis 2020, elle est classée sur le Registre des bonnes pratiques de sauvegarde de l’UNESCO, aux côtés de 17 autres ateliers de cathédrales en Europe.

Merci ! de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame pour son inscription à l’UNESCO, crédit : F.OND, 2020
Merci ! de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame pour son inscription à l’UNESCO, crédit : F.OND, 2020

La Fondation de l’Œuvre Notre-Dame est une institution unique en France, dédiée à la préservation de la cathédrale de Strasbourg depuis huit siècles. Malgré les changements politiques et religieux, son statut n’a jamais été remis en question. Aujourd’hui, elle continue d’exercer son rôle en tant que maître d’ouvrage délégué pour les travaux de la cathédrale, en collaboration avec l’État. La reconnaissance par l’UNESCO de ses savoirs et savoir-faire contribue à inscrire la Fondation dans une perspective tournée vers l’avenir.