De la mer à la cathédrale
Benjamin est né en 1973 dans la belle île de la Réunion. Après une scolarité classique, il obtient un CAP et un BEP Métreur-Dessinateur en bâtiment. Poussé par le goût d'être sur le terrain, il décroche ensuite un CAP de Maçonnerie-Béton armé (en apprentissage).
À 19 ans, il quitte sa terre natale pour effectuer son service militaire en métropole, à Strasbourg. Il fait alors deux rencontres d'importance : celle de son épouse qui vient de l'île sœur de la Réunion, l'île Maurice puis celle de la cathédrale de Strasbourg.
Il est en admiration devant cet édifice grandiose et bien qu'il travaille dans le privé, il regarde avec curiosité et envie les échafaudages et ces artisans qui sont sur la cathédrale. Il se renseigne et apprend que travaux sont réalisés par la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame. Les circonstances sont favorables, il envoie sa candidature au moment où la Fondation souhaite rajeunir ses équipes.
À 21 ans, il intègre l'équipe des maçons, c'est un vrai privilège pour lui. Benjamin nous raconte : « Les anciens m'ont appris des techniques spécifiques comme le coulage au plomb, la dépose et la pose des pierres, mais aussi le montage d'échafaudage. On travaille différemment sur un monument historique. ».
Il se souvient avec émotion de ses impressions lorsqu'il marchait sur les tubes d'échafaudage à 40 m de hauteur ou lorsqu'il découvrait des « clins d'œil » laissés par ses prédécesseurs derrière les pierres déposées, c'est ainsi qu'il en a lui-même laissés pour les futurs restaurateurs. En hiver, Benjamin et ses collègues quittaient le chantier pour intervenir sur les bâtiments appartenant à la Fondation. Ici les travaux étaient bien différents : peinture, plâtre, carrelage, crépis, etc.
Préserver la cathédrale, un travail de tous les jours
Depuis quelques années Benjamin s'occupe avec son collègue Hubert, de l'entretien de la cathédrale dans le cadre du programme de travaux d'entretien et de maintenance établi par la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame, la Direction des Affaires Culturelles (Drac) et la Fabrique de la cathédrale. Ils interviennent partout sur l'édifice, parfois en urgence. Il s'agit de la pose de dallages par exemple, de joints à remplacer pour éviter les infiltrations d'eau ou de fixer des empiècements comme récemment sur la flèche.
Cet été, ils rejoindront l'équipe chantier plus particulièrement l'équipe conservation. Pour Benjamin « c'est sympa de travailler avec différents collègues, le menuisier, le forgeron, les collègues du chantier, c'est toujours une autre ambiance. Lorsque je m'occupe des travaux d'entretien c'est parfois plus compliqué à gérer voire plus long car cela demande souvent plus de manutention puisque dans ces situations il n'y a pas monte-charge ou d'échafaudage. Même à deux c'est difficile comme lorsque nous avons refait le dallage de la tour nord, le volume de pierres était impressionnant. »
Chaque année en décembre, Benjamin, Hubert et les collègues de la Fabrique installent les quatorze tapisseries de la vie de la Vierge dans la cathédrale « c'est toujours un moment privilégié, quand on sait le travail de tissage fait main, la beauté de ces tapisseries. Les gens sont toujours admiratifs quand nous intervenons, c'est un des bons moments de l'année ».
Benjamin et la cathédrale
Benjamin a toujours été impressionné par la stature de la cathédrale. Il aime la grande rose et la flèche d'où il peut admirer la ville et les alentours. Il a toutefois un lieu qui le touche particulièrement, le portail central, de lever la tête et d'admirer toutes ces sculptures et ces scènes bibliques représentées et se dire « chapeau à nos prédécesseurs. Ils ont réussi à construire cette cathédrale avec des moyens limités. Ils se sont appliqués jusqu'au bout, dans les moindres détails, même dans des endroits qui ne sont pas visibles du public. Quelles étaient leurs motivations ? Le goût du travail bien fait ou leur foi ».
Les passions de Benjamin
Il aime beaucoup la nature avec un grand N, de la forêt à la mer en passant par la montagne et le jardinage. Il apprécie aussi le sport en général, la marche, le foot « il faut pratiquer un sport, entretenir sa santé. C'est un trésor que l'on reçoit et qu'il faut préserver ». Benjamin a la nostalgie de son île, où retourne tous les trois ans, de sa famille, du soleil, des fruits exotiques, de la mer.
Le mot de la fin
Benjamin se pose des questions sur le dilemme entre conservation et restauration, quelles seront les incidences des produits que nous utilisons ? Seront-ils efficaces à long terme ? Faut-il conserver et soigner les pierres anciennes ou faut-il en faire de nouvelles copies qui dureront plus longtemps ? Les grès que nous utilisons aujourd'hui seront-ils aussi résistants que ceux d'origine, sachant que le climat et la pollution ont déjà des effets néfastes sur la pierre ? « L'équilibre est difficile entre ces deux visions, il faut être attentif à ne pas basculer dans un sens ou dans un autre. Les choix peuvent différer d'un architecte à un autre. L'histoire montre que de mauvais choix ont été faits par le passé et qu'il est difficile d'avoir le recul nécessaire pour prendre les bonnes décisions ».
L'essentiel pour Benjamin, c'est de discuter, d'échanger et de respecter les métiers de chacun « c'est ainsi que nous serons mieux à même de préserver la cathédrale, chacun a son expertise et c'est fondamental d'écouter les autres et humainement important pour être plus efficace ». Les maîtres-mots de Benjamin sont unité, humilité et respect.
Publication 2015