Le choix des grès et le sciage

Le choix des grès et le sciage

La cathédrale de Strasbourg est construite majoritairement en grès. C'est la nature et la qualité du matériau qui permettent la finesse de la taille et de la sculpture. L'extraction en carrière et la préparation des blocs dans l'atelier de sciage sont des étapes et des choix importants qui conditionnent la pérennité de la restauration.

La qualité des grès est déterminée par le choix empirique en carrière lors de l'extraction, par les observations de l'artisan au moment du sciage et par les analyses scientifiques. Ce sont autant de phases délicates qui influenceront la fréquence des opérations et des interventions d'entretien, de conservation et de restauration sur la cathédrale.

En effet les grès de restauration doivent être à la fois similaires aux grès de la construction (type, qualité, propriétés et teinte) mais aussi durables et stables dans le temps.

La majorité des grès employés sont des grès à meules à ciment naturel siliceux à grains fins. Ils sont de couleur unie, bigarrée (couleurs variées), parfois veinée sur des déclinaisons allant du rouge au jaune.

Les grès de la construction

Issus de plusieurs carrières à proximité de Strasbourg, les grès à Voltzia du Buntsandstein supérieur employés pour la construction de la cathédrale proviennent notamment :

  • des carrières de Dinsheim, Gresswiller, Brechlingen et Wasselonne la Papeterie pour les grès à meules (à grains fins) mis en œuvre sur l'ensemble de la cathédrale
  • des carrières du Kronthal (à l'entrée de la vallée de la Mossig) pour le grès vosgien (à gros grains du Buntsandstein inférieur) utilisé pour la crypte romane.

(D. Jeannette – Les grès de la cathédrale de Strasbourg : leurs carrières d'origine - article publié dans les Amis de la Cathédrale BACS N°15 (1982) p39-41)

Les grès de construction montrent dans la majorité des cas, une très bonne conservation.

à noter : Deux particularités sur la cathédrale : la présence d'un parement en calcaire sur le mur ouest du bras sud du transept et d'une épitaphe de 1464 dans la chapelle Saint Jean, très certainement en grès jaune (calcarénite, c'est-à-dire à forte teneur en calcaire) de Rouffach.

Les grès des anciennes restaurations

Avec la fin de l'exploitation des carrières des grès de construction (épuisées, absence de grès de qualité exploitable, développement des communes, etc.) les restaurateurs ont opté pour de nouvelles carrières alsaciennes :

  • la carrière de Petersbach
  • la carrière d'Adamswiller
  • la carrière de Schoenbourg
  • la carrière de Bust
  • la carrière de Waldhambach
  • la carrière de Rothbach (pour les grès à gros grains)
  • la carrière de Champenay qui a fourni le grès pour la croix sommitale de la flèche de la cathédrale de Strasbourg (grès vosgien quartzite très dur qui peut se polir).

Le grès vosgien à gros grains, était fréquemment employé en lieu et place des grès à meules à grains fins à partir des années 1960 et ce jusque dans les années 1990.

Pendant cette période se sont posées les questions sur la longévité des grès, leur gélivité, leur résistance aux agressions de l'ère industrielle. Ainsi le choix des grès de restauration s'est tout d'abord porté sur les qualités globales des matériaux, la polychromie des grès voire la nature géologique étant secondaire.

La question des teintes était alors solutionnée par l'application de patine artificielle.

Les grès d'aujourd'hui

Pour faire face à des qualités de grès disparates et en raréfaction pour certaines teintes comme le jaune, la recherche des grès de restauration s'est également étendue au-delà de nos frontières (dans le bassin géologique gréseux d'Europe centrale).

Les carrières qui alimentent aujourd'hui nos ateliers et les chantiers de conservation-restauration sont :

  • la carrière de Petersbach (Alsace)
  • la carrière d Adamswiller (Alsace)
  • la carrière de Langensoultzbach (Alsace)
  • la carrière de Niderviller (Lorraine)
  • la carrière de Bitburg (Allemagne)
  • la carrière de Würzburg (Allemagne)

 

Les critères de sélection de nos jours

La polychromie des grès est un des principaux critères du respect de l'authenticité de la cathédrale. À cela s'ajoute les méthodes d'extraction et l'analyse macroscopique en carrière associées aux analyses scientifiques des qualités intrinsèques du matériau. Le grès doit être le plus proche possible des grès utilisés lors de la construction.

Le choix s'appuie sur les processus suivants :

  • L'extraction "douce", c'est-à-dire contrôlée : par fil hélicoïdal ou fil à carbure de tungstène, poudre explosive, haveuse à chaîne, marteau pneumatique ou plus rarement aux coins éclateurs, pour éviter les microfissures internes.
  • L'observation de la première coupe de propreté du bloc pour juger l'horizontalité des lits. Ceux-ci doivent être toujours bien parallèles et éviter les lits sauvages (plissements et déformations) dûs à certaine formation géologique. Ce premier aperçu permet de détecter ce qui n'est pas homogène comme les galets, les lits d'argiles, les éléments fossilisés et la concentration élevée de mica.
  • L'utilisation d'une pointerolle ou pointe et d'une massette pour tester la consistance des grains et la dureté globale du grès.
  • Les analyses en laboratoire de la teneur en argiles, de la porosité, de la vitesse du son, de la résistance à la compression parallèlement et perpendiculairement aux lits du grès.

 

La préparation du grès : le sciage

Ce sont des tailleurs de pierre qui s'occupent du choix en carrière. Ils débitent les blocs bruts et préparent les blocs capables dans nos ateliers, d'après les fiches de débit et de taille du bureau d'études, pour l'atelier.

Les blocs bruts choisis en carrière font en moyenne trois à quatre mètres cube, soit entre huit et dix tonnes pièce. Ils sont stockés dans notre parc à blocs et mis en attente d'exploitation, au minimum une année pour l'acclimatation et l'observation d'éventuelles réactions aux amplitudes thermiques et hydriques lors des changements de saison (grandes chaleurs et gelées, période sèche et humide).

Après ce processus, le grès est choisi en fonction des éléments architecturaux à restaurer (type et couleur). À l'aide d'un portique et d'un tourne-bloc, le bloc est conduit vers la scie à fil (câble diamanté) où celui-ci sera tranché d'après les hauteurs de lits souhaitées.

Une contrainte parfois rencontrée :
Dans certaines carrières, les failles naturelles des bancs gréseux peuvent limiter les hauteurs de lits exploitables dans un bloc.

Cette tranche est ensuite déposée, au moyen d'un chariot élévateur, sur une débiteuse à commandes numériques à disque diamanté.

Le scieur (ou débiteur) trace ensuite les pièces, effectue les opérations de dégrossissage (coupe et fraisage) pour faciliter le travail des tailleurs et des sculpteurs aux ateliers.