Ce chantier se distingue par son approche marquée par le respect des diverses phases de travaux réalisées sur la chapelle. Trois grandes orientations ont guidé les interventions : la restauration des grès altérés du XIXe siècle, la conservation maximale des grès d’origine, et la mise en œuvre de greffes.

Le contexte historique

La chapelle Sainte-Catherine échafaudée, crédit : F.OND, 2012
La chapelle Sainte-Catherine échafaudée, crédit : F.OND, 2012

La chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale de Strasbourg est construite vers 1340 par le maître d’œuvre Johannes Gerlach.
En 1506, Jacob de Landshut restaure pour la première fois les balustrades de la partie haute.
Les dommages causés par les bombardements de la guerre de 1870 nécessitent une nouvelle réparation du couronnement (balustrades, mains courantes et des éléments de pinacles) en 1872, dirigée par l’architecte Gustave Klotz.
En 1897, Ludwig Arntz intervient pour remédier à la dégradation des parties hautes de la chapelle. Il privilégie une restauration axée sur des greffes, avec des modifications de moulures et de profils aux motivations parfois obscures.
En 2009, la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame initie un nouveau chantier de conservation-restauration de trois ans, centré sur la préservation de l’authenticité historique de la chapelle.

Les étapes préalables et les études

En septembre 2009, la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a débuté le chantier avec l’Étude préalable puis en octobre de l’année suivante par le Projet Architectural et Technique, tous deux sous la direction de l’Architecte en chef des Monuments Historiques (ACMH), Christiane Schmucklé-Mollard. Cette phase préliminaire a intégré une campagne de relevés photogrammétriques afin de dresser une série de plans, d’élévations, et de cartographies (état sanitaire, les altérations, et les éléments manquants).

La mise en place des échafaudages fin 2010 a lancé la phase des analyses détaillées et des relevés complémentaires :

  • Une cartographie des grès à remplacer, spécifiant les teintes et les carrières de grès choisies pour les éléments à remplacer.
  • Une cartographie des zones de prélèvements des échantillons de grès, de mortiers, des éventuelles polychromies et des percements pour la recherche des sels solubles.
  • Des analyses effectuées par un laboratoire agréé, sur des échantillons pour déterminer les natures de grès et de mortiers, les types et teneurs de sels et la nature des polychromies.
  • Un plan de pose affiné avec les pierres à conserver, à remplacer, et les greffes à réaliser.
  • Un plan de repérage des verres blancs et des vitraux originaux des baies de la façade ouest de la chapelle.
    Le risque de chutes de certains éléments de la balustrade a amené l’équipe du chantier à déposer ces vitraux. Ils ont été conservés, pendant la durée du chantier dans des caisses en bois ventilées sur mesure.

La restauration en pierre de taille et en sculpture

Les balustrades de 1506 ayant disparu, les relevés et copies de quinze balustrades sont réalisés d’après celles restaurées au XIXe siècle. Les mains courantes remplacées sont exécutées d’après les modèles du XVIe siècle encore en place.

Les tailleurs de pierre et les sculpteur·trices ont aussi réalisé trois pyramides de pinacle monolithes (1,5 tonne par bloc) d’après l’original déposé et conservé au dépôt lapidaire de la Fondation. Chaque restauration de pinacle a nécessité 500 heures de taille et 250 heures de sculpture.

La dépose des pyramides de pinacle a révélé un tenon en granit de section carrée, sans doute mis en place, lors des campagnes de restauration du XIXe siècle, pour maintenir les éléments à la manière d’un goujon métallique.

Les profils de six boutons de gâble avaient fait l’objet de modifications au XIXe siècle, les artisans les ont restaurés d’après les originaux.
Ils sont également intervenus sur deux réseaux de fenestrage par la pose d’empiècements, afin de préserver le caractère monolithe d’origine des baies ouest : 19 meneaux et 22 crochets de gâbles. Pour ces derniers un crochet d’origine, encore en place, a servi de référence.
Les pièces sont scellées à l’aide d’agrafe et de goujon coulés dans du plomb ou par un mortier traditionnel à base de chaux.

La mise en œuvre d’incrustements

Inspiré des greffes en queue d’aronde ou en crossette de Ludwig Arntz, les artisans ont réalisé plusieurs incrustements ajustés au millimètre. Ce principe conservatoire des pierres d’origine nécessite des refouilles très précises et parfois complexes afin d’ajuster les pièces de manière optimale et avec des joints fins. Ces incrustements sont présents sur les pyramides de pinacle non remplacées, les larmiers sous les corniches (pour retrouver la fonction de protection des maçonneries inférieures) ainsi que sur les larmiers des contreforts et des glacis des baies.

La conservation des grès

Les interventions en conservation sur la chapelle Sainte-Catherine a impliqué de :

  • Nettoyer les dépôts agglomérés et d’atténuer les patines noires par légère microabrasion respectueuse des aspects de taille et de l’intégrité des pierres.
  • Dessaler des zones identifiées comme contaminées par des sels après la prise d’échantillons et les analyses.
  • Traiter des fissures et des détachements par injection et application de solins.
  • Reconstituer (en mortier de restauration) partiellement d’angles de parement.
  • Consolider par reminéralisation ponctuelle certains grès affaiblis.

Des témoins sont maintenus afin de garder la trace d’un état du matériau avant les interventions.

Les travaux complémentaires

Avec la restauration des deux baies de la face ouest de la chapelle, le serrurier-forgeron de la Fondation est intervenu sur certaines barlotières défaillantes des baies en les rallongeant ainsi que sur les clavettes. Il a également forgé les clous de fixation des vitraux, à l’identique de ceux d’origine. En parallèle, l’équipe chantier a renforcé les plombs et les fixations endommagés des verres blancs.
Un des sculpteur·trices a relevé et photographié les 119 marques lapidaires identifiées.
Une entreprise privée a habillé d’inox étamé la coursive de circulation de la chapelle afin de protéger les maçonneries des infiltrations d’eau. Elle a aussi protégé deux gargouilles d’un habillage en plomb et d’une pissette pour rallonger l’évacuation des eaux de pluies au-delà des maçonneries.

Le chantier de conservation-restauration de la chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale de Strasbourg s’est démarqué par son approche méticuleuse, guidée par le respect des travaux et restaurations antérieurs. L’objectif était de préserver l’authenticité historique de la chapelle, tout en intégrant des méthodes modernes, un équilibre subtil entre tradition et innovation.

Vos dons contribuent à l’entretien et à la conservation-restauration de la cathédrale de Strasbourg.