L'engagement du nouvel architecte Jean Hültz
Après la mort de maître Ulrich d'Ensingen en 1419, son parlier (ou appareilleur) Jean Hültz de Cologne, est choisi comme architecte. Confirmé par une commission d'experts invités à Strasbourg pour examiner les candidatures, Jean Hültz occupera ce poste jusqu'à sa mort en 1449.
Un nouveau projet pour la flèche
Jean Hültz modifie le plan de son prédécesseur. Il révolutionne la conception de la flèche par une approche différente. D'abord, il surélève et prolonge les tourelles d'escalier jusqu'à la base de la flèche. Son concept de pyramide est novateur en mettant fin aux projets traditionnels à escalier unique. Il conçoit une pyramide à huit arrêtes sur lesquelles sont posés huit escaliers convergents vers le lanternon octogonal ceint d'une balustrade. La flèche est couronnée d'une croix autrefois ornée d'une image de la Vierge.
Au moment de l'achèvement de la flèche en 1439, la cathédrale est, avec ses 142 m, le plus haut monument chrétien que l'homme ait jamais construit. Ses contemporains la qualifient de "huitième merveille du monde".
La date de l'achèvement de la flèche
Malgré l'hypothèse de l'éventuel achèvement tardif de la flèche (peu avant 1500), la date de 1439 semble la plus objective dans l'état actuel des connaissances.
Plusieurs arguments peuvent être exposés :
- Le livre de comptabilité de la Fondation de l'Œuvre Notre-Dame de 1439-1440 évoque dans les dépenses pour l'année 1439, l'achat d'une quantité de fer pour fixer la croix sur la tour (Item umb ein burge woge Isens zum Crutz uff dem Turne XVIIIß). Or, le terme de tunre (tour) n'est pas utilisé pour l'autre tour de la cathédrale, la tour de la croisée du transept.
- La marque de l'architecte était visible à différents endroits stratégiques de la flèche. Elle l'est encore de nos jours sur un baldaquin situé en haut de la flèche.
- Une source ancienne évoque la dépose de la statue de la Vierge du sommet en 1488 ce qui permet de supposer que la flèche était terminée à cette date.
- L'épitaphe de Jean Hültz rappelle le mérite de l'architecte et souligne son défi quant à l'achèvement de la tour :
1449 starb der ehrsam kunstreich Johann Hültz, Werkmeister dieses Buwes und Vollbringer des hohen Thurns hier zu Strassburg. Dem Gott Gnad. Nit höher die Kunst".
"En 1449, trépassa l'honorable Jean Hültz, habile dans les arts, maître d'œuvre de cet édifice, qui acheva la haute tour ici. L'art n'a jamais rien produit de plus élevé". - L'épitaphe de Jean Hültz est aujourd'hui cachée par les murs du grand séminaire. Elle est située sur la face occidentale du petit contrefort qui montre sur sa face nord, encore visible aujourd'hui, l'épitaphe de la famille de l'architecte Erwin.
- La flèche, endroit particulièrement exposé, est impactée à de nombreuses reprises par la foudre et fait l'objet de nombreuses réparations et ajustements successifs dans son existence.
Le grand bourdon de 1427
Autre fait notable de cette époque est la fonte du grand bourdon en 1427 par le maître Hans Gremp. Cette cloche de 2,20 m de diamètre pèse 8 500 kg. Elle est suspendue dans le beffroi de la cathédrale. Elle sonnait originellement le glas (cloche des morts) pour les citoyens de la ville ainsi que le sermon dominical. Il s'agit de la cloche la plus ancienne, la plus grande et la plus lourde de la cathédrale de Strasbourg.
Elle porte l'inscription suivante :
"Anno D[omi]ni MCCCCXXVII mense julii fusa sum per magistrum Joannem de Argentina - nuncio festa, metum, nova quædam, flebile læthum."
"En l'an de grâce 1427, au mois de juillet, je fus fondue par maître Jean de Strasbourg. J'annonce les jours de fête, la crainte, les mauvaises nouvelles et la mort."
"Im Jahre des Herrn 1427, des Monats Juli, wurde ich durch Meister Johann aus Straßburg gegossen. Ich verkündige Festtage, Furcht, etliche Nachrichten, beweinenswerten Tod."