Un nouveau maitre d'œuvre sur le chantier, Ulrich d'Ensingen
En 1399, après une période peu prolifique et la réorganisation de l'Œuvre Notre-Dame, un nouveau maître d'œuvre est engagé par le conseil municipal. Il s'agit d'un maître souabe, qui a fait ses preuves sur différents chantiers importants, Ulrich d'Ensingen.
Il occupe en parallèle, le poste d'architecte de la grande église paroissiale d'Ulm pour laquelle il prévoit la construction d'une tour immense.
Le défi de la haute tour
Dans le but d'ériger la plus haute tour et de surpasser ainsi en hauteur les églises du Saint-Empire, telles que Fribourg, Ulm, Vienne et Ratisbonne, Ulrich d'Ensingen accepte de venir à Strasbourg.
Il présente un projet de haute tour octogonale entourée de quatre tourelles d'escaliers surmontée d'un petit étage. Au-dessus il prévoit d'ajouter une flèche ajourée avec une silhouette légèrement incurvée.
Ulrich d'Ensingen érige l'octogone jusqu'au milieu du petit étage, en moins de vingt ans, jusqu'à sa mort en 1419.
L'octogone de la haute tour et ses escaliers à vis
Il s'agit d'une tour octogonale composée de huit baies et puissants piliers. Elle est flanquée de quatre tourelles d'escalier à vis (décorées de niches et de pinacles), qui sont totalement indépendantes de la tour, à l'exception de deux petites passerelles situées au niveau du petit étage. La tourelle nord-est a la spécificité d'être à double révolution dans sa moitié inférieure. Cela signifie que deux personnes peuvent monter au même temps sans s'entrecroiser. Pour des raisons inconnues une de ces hélices s'arrête brutalement à mi-chemin.
Les sculptures de l'octogone
Sur la face ouest de l'octogone deux sculptures monumentales (2,65 m de haut) sont placées sur les piliers. Datées aux alentours de 1400-1410, elles reposent sur des socles et sont couronnées de baldaquins : Il s'agit des représentations d'un Empereur et d'un Clerc (ou d'un moine). Elles sont inspirées du style gothique de Bohême et notamment praguois du XIVe siècle.
Sur la galerie du petit étage huit petites sculptures (80 cm environ) sont accolées sur les gardes corps : elles figurent la Vierge à l'enfant (patronne de la cathédrale) opposée au maître Ulrich d'Ensingen (identifié grâce à son blason), les saintes Barbe et Catherine, un Taureau et un Ours enchaîné (une éventuelle référence aux constellations du Bouvier et de la Grande Ourse) ainsi que deux prophètes aux phylactères.
Devant les piliers de la face sud de l'octogone, qui donnent sur la plateforme, sont disposées quatre sculptures (1,60 m de haut) de la fin du XVe siècle : sainte Catherine, saint Laurent, un homme au cadran solaire et un homme observant la tour avec acuité (ou Pèlerin). Leur identification exacte n'est pas connue.
Une influence bohémienne sur le chantier de la cathédrale
L'architecture et les sculptures de l'octogone dévoilent une forte influence de la Bohême et notamment de l'art praguois. Prague est à cette époque le centre politique et artistique de l'Empire et attire un grand nombre d'artistes. Il est possible qu'Ulrich d'Ensingen ait travaillé sur le chantier de construction de la cathédrale de Prague, qui attire à cette époque de nombreux artistes européens.
Le maître d'œuvre Johann Hültz de Cologne succède à Ulrich d'Ensingen, il achèvera la flèche en 1439 en suivant un nouveau plan.