1180 à 1235 : De la cathédrale romane à la cathédrale gothique

1180 à 1235 : De la cathédrale romane à la cathédrale gothique

À partir de 1180, un projet ambitieux de reconstruction et de modernisation des parties orientales de la cathédrale est entamé en préservant les anciennes fondations. Des voûtes en pierre se substituent aux anciens plafonds charpentés.

Les travaux de rénovation du chœur et du transept sont exécutés par au moins trois architectes différents qui se succèdent. Les travaux sont entrepris sous le puissant évêque Henri de Hasenbourg (1180-1190), proche du pouvoir impérial. Celui-ci est entre les mains des rois et empereurs de la famille des Hohenstaufen, qui considèrent l'Alsace comme "la plus chère" de leurs possessions familiales. Ses représentants les plus connus sont les empereurs Frédéric I Barberousse (empereur de 1155 à 1190), Henri VI (empereur de 1191 à 1197) et Frédéric II (empereur de 1220 à 1250).

Le maître du chœur (vers 1180-1190)

Dans un premier temps, l'abside, la croisée avec sa coupole octogonale et une partie des murs du transept sont reconstruites par un maître anonyme, appelé le "maître du chœur". Il suit de très près les traditions rhénanes de construction et s'inspire fortement de la cathédrale de Worms, plus particulièrement de son chœur occidental, achevé en 1188. La ville de Worms (en rhénanie-Palatinat) sur la rive gauche du Rhin est à ce moment, un haut lieu du pouvoir impérial. Son architecture influence largement l'architecture du Rhin supérieur.

L'architecte du transept nord (vers 1190-1210)

Entre 1190 et 1210, suit la reconstruction du bras nord du transept, toujours dans un style roman. Cette fois-ci c'est la cathédrale de Spire, la plus grande et grandiose des cathédrales romanes de l'Empire, qui sert de modèle. Quelques détails architecturaux du bras nord révèlent cependant une connaissance des chantiers gothiques d'Île-de-France.

L'ancienne nef romane ne fait pas encore l'objet d'une reconstruction : on se contente dans un premier temps d'un renouvellement de ses vitraux. Une partie représente les souverains du Saint-Empire romain germanique (de nos jours ces vitraux, adaptés aux baies gothiques de la cathédrale, figurent dans le bas-côté nord de la nef).

L'architecte du bras nord du transept déplace son chantier au bras sud du transept et érige le double portail de la façade sud. À cette époque, il n'est pas encore habillé de son décor sculpté actuel.

L'architecte du bras sud du transept (1210/1220-1235)

Cet architecte opère un changement complet de style. Ayant travaillé très vraisemblablement sur des grands chantiers d'Île-de-France et de Champagne, il introduit le style gothique. Il amène aussi de nouvelles techniques de construction. Elles privilégient des murs de plus en plus minces, garnis de grandes baies et le recours aux voûtes en ogives couplées aux arcs-boutants, culées et contreforts.

Les travaux sont exécutés par une nouvelle équipe de maçons, tailleurs de pierre et sculpteurs. Ils réalisent le décor sculpté du portail sud et le pilier des Anges, qui constituent des chefs d'œuvres de la sculpture monumentale européenne.

Après l'achèvement du bras sud du transept, les murs gouttereaux des deux premières travées des bas-côtés de la nef sont érigés.
La construction ultérieure des chapelles Sainte-Catherine (XIVe Siècle) et Saint-Martin (XVIe siècle) a effacé les quelques vestiges restant de cette première étape de construction de la nef.

Le choix de l'architecte et l'option pour le nouveau style est dû au chapitre de la cathédrale et à l'évêque Henri II de Veringen (évêque entre 1202 et 1223). Ce dernier, ne pouvant pas être ordonné par son métropolitain l'archevêque de Mayence, est enfin sacré en 1207 à Sens où la cathédrale gothique est en pleine construction.

L'Œuvre Notre-Dame

L'institution nommée plus tard "Œuvre Notre-Dame" (en allemand Frauenwerk) est probablement créée au début du XIIIe siècle par l'évêque et le chapitre de la cathédrale. Sa première mention, fabrica ecclesiae Argentinensis, date des années 1224/1228. Il s'agit de la fabrique de la cathédrale qui administre les finances et dirige le chantier. Avec la construction d'un atelier couvert, les différents corps de métiers nécessaires à la construction peuvent s'installer définitivement sur place et poursuivre le chantier en toute saison.