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La conservation d’une œuvre - la statue d’Erwin

© Fondation de l'Œuvre Notre-Dame
La statue d’Erwin, située sur le parvis du bras sud du transept de la cathédrale de Strasbourg, est déposée en 2019 pour être analysée puis traitée en conservation.

La sculpture de Philippe Grass dans son contexte matériel

La statue d'Erwin in situ, vers 1890Le statuaire Philippe Grass réalise la sculpture du maître d’œuvre Erwin. Elle est mise en place en 1866. La sculpture est ensuite déposée une première fois le 22 avril 1990 où elle fait l’objet de traitements en conservation : le bouchage des fissures, le recollement du visage, de la pointe du pied droit, de l’annulaire gauche, du menton, du rabat gauche du chapeau et la restitution de la pointe du pied gauche.
Une fois consolidée et les empiècements ajoutés, elle est estampée à la terre glaise pour en réaliser un moulage. La sculpture d’une copie en grès vosgien est lancée le 8 janvier 1992 et la statue originale est provisoirement réinstallée sur l’édifice, le 29 octobre 1991, avec un nouveau système d’ancrage.


Le choix de conserver la sculpture in situ, une nouvelle orientation


Copie non terminée de la statue en grès vosgienEn 2019, à la demande de l’Architecte en chef des Monuments Historiques Pierre-Yves Caillault, la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame a rédigé le dossier d’Étude en conservation-restauration de la statue d’Erwin.
Le choix de l’architecte s’est alors orienté vers la conservation de l’œuvre sur l’édifice en lieu et place d’une restauration en copie. Celle déjà engagée n’avait jamais été terminée.
En effet, jusque dans les années 1990, il était d’usage d’exécuter les copies dans du grès vosgien, mais dès la fin de cette décennie, les grès sont choisis en fonction de ceux utilisés lors de la construction (ici du grès à meule), dès lors le choix même du grès était remis en question.
De plus, il était important pour l’architecte de respecter, autant que possible, l’authenticité du monument et de maintenir en place l’original bien qu’il soit très altéré. Les techniques de conservation ont en fait beaucoup évolué pour pouvoir stabiliser la sculpture et la replacer sur le parvis du transept.

Description des opérations en conservation

L’étude a tout d’abord porté sur le contexte historique de la statue, sa description stylistique, sa chronologie détaillée puis sur un constat d’état global de sa situation architecturale et des interventions antérieures, sur ses formes d’altérations observées en 2019 et sur les analyses du grès d’origine en laboratoire (les greffes ne présentaient pas de formes d’altérations particulières).

Altérations au niveau des pieds de la statueAfin de faciliter le diagnostic, les équipes de la Fondation ont déplacé la statue sur une plateforme surélevée et couverte dans la cour des ateliers.
Les analyses ont confirmé la présence de sels solubles, d’argiles gonflantes ainsi qu’un délitement naturel du grès (sculpté en délit à cause de la hauteur de la statue). Par ailleurs, la colle utilisée dans les années 1990 a empêché les échanges hydriques et gazeux et a favorisé certaines altérations. L’adhérence médiocre de la colle a provoqué, lors de la dépose de la statue, des fissures dans la zone de faiblesse et la greffe de la base avec les pointes des pieds) s’est donc désolidarisée. Ceci n’est pas anormal étant donné qu’à l’époque la réinstallation in situ n’était que temporaire.

Programme des interventions

La finalité des interventions est de stabiliser et maintenir l’original dans son état actuel, c’est-à-dire sans l’ajout de greffes, les manques restent visibles. Les greffes antérieures sont refixées.

L’atelier de conservation a procédé à plusieurs essais de dérestauration partielle des collages en résine époxy des années 1990 (les résines ou colles époxy sont toujours utilisées de nos jours mais leurs formulations ont évolué comme leurs applications par points plutôt que sur une surface entière).

Les goujons de la base (en cuivre de section circulaire) des année 1990 enrobés dans les colles époxy sont remplacés par des goujons en bronze de forme carré en arêtes de poisson (accroche et adhérence supérieures), de dimensions inférieures par rapport aux anciens.

La colle époxy est remplacée par du silicate d’éthyle additionné de charges siliceuse et quartzique (le système de collage est proche de la nature du grès) et de pigments d’oxyde de fers (pour la teinte).

Application de compresses de dessalement, deuxième passeUn dessalement des zones contaminées est effectué en trois passes à l’aide de compresses à base de cellulose et d’eau déminéralisée.

Un double nettoyage des dépôts à l’eau est pratiqué avant le dessalement et après le retrait des compresses.

Les fissures sont consolidées par injection d’un liant adapté au grès et selon la configuration des fissures.

Les surfaces qui présentent des décohésions minérales font l’objet de consolidation ponctuelle au silicate d’éthyle.

L’ancien fer d’ancrage est passivé, même s’il n’est plus utilisé, il est ainsi protégé de la corrosion.

Par ailleurs, l’écoulement des eaux pluviales est amélioré grâce à la restauration du contrefort nord et en particulier des larmiers. La pose d’une casquette en forme de L évite à l’eau de s’écouler directement le long du glacis vers la statue.

Protocole de suivi

La statue d’Erwin et son piédestal seront posés lors des Journées Européennes du Patrimoine 2022. Il est prévu un suivi technique et scientifique de la sculpture. Le contrôle annuel ou bisannuel, dans le cadre des carnets d’entretien et de maintenance, portera sur l’évolution des formes d’altérations et celle des restaurations des années 1990 ainsi que sur la vérification des procédés de stabilisation mis en œuvre. 
Lorsque le rapport entre bénéfice et risque ne sera plus satisfaisant pour la sauvegarde de l’œuvre et la sécurité alentour, elle sera déposée, conservée au lapidaire de la Fondation puis remplacé par une copie.