Entre 1870 et 1945, Strasbourg change cinq fois de nationalité. Lors des conflits de 1870 et de la Seconde Guerre mondiale, la cathédrale subit de nombreux dégâts, nécessitant des interventions à court et à long terme.

La guerre franco-prussienne de 1870

Nef sans toiture, après le bombardement de 1870, crédit : F.OND
Nef sans toiture, après le bombardement de 1870, crédit : F.OND

En 1870, Strasbourg est assiégée et bombardée par l’armée prussienne. La ville capitule le 27 septembre. Rattachée à l’Allemagne, elle devient capitale du Reichsland d’Alsace-Lorraine.

La cathédrale de Strasbourg a essuyé les violences des nombreuses attaques des canons au cours du siège par l’artillerie allemande. Le lanternon et la croix de la flèche  sont touchés tout comme les toitures du vaisseau central, celles de la tour de la croisée du transept (œuvre de l’architecte Jean-François Blondel du XVIIIe siècle) et du chœur.

La chapelle Sainte-Catherine et les pyramides des tourelles octogonales situées à l’angle du transept et de la nef sont endommagées, ainsi que de nombreux vitraux et éléments d’architecture décoratifs.

Les restaurations après le bombardement

Les restaurations des dégâts de guerre commencent à partir de 1871. Gustave Klotz, architecte de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame depuis 1837 poursuit ses activités sous la nouvelle administration. Il entreprend dans un premier temps les travaux de restauration nécessités par le bombardement :

  • Il redresse la croix de la flèche et consolide sa base.
  • Il rétablit la toiture détruite du vaisseau central en reconstruisant la charpente en bois et la couverture en cuivre (1873). La même année, les toitures des bras du transept sont restaurées et abaissées ; elles mettent ainsi en valeur la galerie romane de la tour de la croisée des transepts.
  • Il restaure ou remplace des éléments en pierre de taille et des vitraux.

Un nouveau couronnement pour la tour de la croisée du transept, la tour « Klotz ».

Suite aux dégâts du bombardement un nouveau couronnement de la tour de la croisée du transept s’impose. Afin de retrouver son aspect « d’origine » et d’offrir un contrepoids visuel au massif occidental avec sa haute tour, Gustave Klotz avait œuvré bien avant 1870 à plusieurs propositions. Après divers échanges avec Eugène Viollet-Le-Duc, l’idée de Gustave Klotz d’une construction en style néo-roman est adoptée car elle s’accorde avec le style des parties orientales de la cathédrale.

En 1874, Gustave Klotz implante sur la tour existante, une maquette en bois à l’échelle réelle revêtue d’un décor peint en trompe-l’œil. Ce projet propose de rehausser de trois mètres la galerie romane de la tour, de la surmonter d’un mur de trois mètres et de couronner ce dernier par une toiture pyramidale. Cette idée ne sera pas retenue.

Le projet définitif qui maintient en place la galerie romane encore visible aujourd’hui, est réalisé entre 1878 et 1879.

À cette époque, Gustave Klotz restitue les couronnements des tourelles octogonales (à l’angle du transept et de la nef), endommagés en 1870. Il s’inspire notamment des tourelles du XIIIe siècle. Les plans et les photographies d’époque sont toujours conservés à la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame.

Gustave Klotz poursuit par ailleurs la restitution des statues détruites par les iconoclastes de 1793. À la mort du statuaire Philippe Grass en 1876, son élève Louis Stienne continuera cette activité jusqu’en 1909.

Des architectes de Cologne (Allemagne) à la tête du chantier

Après la mort de Gustave Klotz en 1880, le poste d’architecte reste vacant pendant huit ans. Les travaux de restauration sont poursuivis par son contremaître Hermann. Le maire Otto Back nomme Gustave Petiti, neveu de Gustave Klotz, comme architecte à titre provisoire. En 1888, l’état de conservation de la cathédrale est expertisé ; les dégâts et désordres sont listés dans un volumineux rapport présenté au maire. L’architecte August Hartel est nommé en 1889 mais il décède dans l’année.

Ses deux successeurs sont aussi originaires de Cologne : Franz Schmitz (1890-1894) et Ludwig Arntz (1895-1903). Franz Schmitz entame la restauration du côté sud de la nef, mais ses travaux ainsi que ses projets de transformations de l’édifice jugées trop invasives, suscitent la critique. Ludwig Arntz au contraire se distingue par son souci de conserver l’authenticité de la cathédrale, en insistant sur les anciens savoir-faire.

Il restaure les parties hautes de la façade du massif occidental, la chapelle Sainte-Catherine, le bras sud du transept (façades ouest) et le portail du bras nord du transept. Ludwig Arntz démissionne de son poste suite à un conflit sur l’installation d’un nouveau système de chauffage, l’opposant au chapitre de la cathédrale.

L’architecte Johann Knauth et la reprise en sous-œuvre du pilier soutenant la haute tour

En 1904, les travaux sont repris par Johann Knauth, également originaire de Cologne, appareilleur à la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame depuis 1891. Il est nommé architecte de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame en 1905. Son activité est dominée par les gigantesques travaux de la reprise en sous-œuvre des fondations d’un des grands piliers du narthex (portant la haute tour) et la reconstruction complète du premier pilier nord de la nef.

Dès 1909, Johann Knauth engage le sculpteur d’origine autrichienne, Ferdinand Riedel, avec pour mission de poursuivre le travail de restitution des statues de la cathédrale. Ferdinand Riedel, ainsi que son successeur Alfred Klem remplacent des statues réalisées à peine un siècle plus tôt, qui ne respectaient pas le style d’origine.

Il est à noter que Johann Knauth est un des membres fondateurs du Strassburger Münsterbauverein, devenue la Société des Amis de la cathédrale de Strasbourg en 1902.

Le licenciement de l’architecte Johann Knauth et la poursuite des travaux après la Première Guerre mondiale

Dès la fin de la Première Guerre mondiale et le retour de l’Alsace à la France, le maintien de l’architecte Johann Knauth fait débat. Il est jugé indispensable dans un premier temps, mais son refus d’adopter la nationalité française (obligation exigée pour garder son poste) mène en 1920, à son licenciement et à son expulsion du territoire national.

Les travaux du pilier sont terminés par l’architecte Charles Pierre, son principal collaborateur et par Clément Dauchy, nommé architecte de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame et des Monuments Historiques pour la cathédrale dès 1922.

Les années 1920 voient l’achèvement de la restauration du petit étage de l’octogone de la haute tour, commencée en 1919. La rénovation de la couronne de la flèche avec sa croix commence à partir de 1929.

Entre 1935 et 1941, Charles Pierre occupe le poste d’architecte de la Fondation.

Les restaurations de la partie haute du bras sud du transept et les travaux sur la flèche se poursuivent dans les années 1930. Les échafaudages sont démontés en 1939, à l’occasion des festivités du 500e anniversaire de l’achèvement de la flèche.

Les mesures de protection passives engagées en 1939-1940

La menace croissante de la guerre mène à prendre des mesures de protection contre d’éventuels dégâts de bombardements. En août 1939, le premier ordre de mise en exécution des mesures de défense passive est donné :

  • L’échafaudage de la flèche n’est pas réinstallé.
  • Les vitraux du Moyen Âge sont déposés, évacués et mis en sécurité en Dordogne.
  • Tous les portails, le pilier des anges et la chaire sont protégés par des carcasses de tubes d’acier et sacs de sables.
  • Les parties mobiles du mécanisme de l’horloge astronomique sont démontées.

Sous l’occupation allemande (1940-1945), le personnel de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame tient lieu d’équipe de défense passive et constitue un corps de garde d’incendie. Entre décembre 1943 et janvier 1944, les couvertures en cuivre des différentes toitures de la cathédrale sont badigeonnées d’une peinture de camouflage pour diminuer les reflets nocturnes et ne pas être visibles par les forces aériennes anglo-américaines.

Les dégâts des bombardements de la Seconde Guerre mondiale suivis de leurs restaurations

Alors que la cathédrale n’avait subi aucun dégât au cours de la Première Guerre mondiale, les bombardements aériens en août 1944 endommagent la tour de la croisée du transept ainsi que sa coupole. Une voûte du bas-côté nord de la nef est également éventrée par une bombe.

Les toitures endommagées sont recouvertes provisoirement de carton bitumé dès la fin de la guerre.

En 1945, les vitraux anciens, récupérés en Allemagne, sont restitués par les autorités américaines. Mis en sécurité en Dordogne à l’automne 1940, ils avaient en effet été confisqués et entreposés par les autorités allemandes en novembre 1944 dans les mines de sel près de Heilbronn.

En 1946-1947, les deux voûtes du bas-côté nord sont restaurées de même que les toitures de la chapelle Saint-André et celle de la sacristie du chapitre.

En 1947, les claveaux des nervures pour la restauration de la coupole de croisée sont taillés.

En 1950, la restauration de la flèche, interrompue durant la guerre, reprend.