Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1419 © Fondation de l'Œuvre Notre-Dame/ Stéphane Potier - Inventive studio
Hypothèse de restitution des étapes de construction de la cathédrale de Strasbourg, vers 1419 © Fondation de l’Œuvre Notre-Dame/ Stéphane Potier – Inventive studio

Ériger la plus haute cathédrale du Saint-Empire romain germanique devient le défi du moment. La municipalité strasbourgeoise fait alors appel à Ulrich d’Ensingen, un maître d’œuvre de renom.

Un nouveau maître d’œuvre sur le chantier, Ulrich d’Ensingen

En 1399, après la révocation de Klaus de Lore et de la direction de l’Œuvre Notre-Dame, le conseil municipal confie la direction du chantier à un nouveau maître d’œuvre : Ulrich d’Ensingen. Il est originaire de Souabe et dirige le chantier de l’église d’Ulm (dans le sud de l’Allemagne) depuis 1392, où il prévoit d’édifier une immense tour. En parallèle, il est aussi maître d’œuvre de l’église Notre-Dame d’Esslingen (près de Stuttgart), concepteur des tours de Bâle et sollicité comme conseiller à Milan.

Le défi de la haute tour

Dessin attribué à Ulrich d’Ensingen ou à son fils Matthäus Ensinger, début du XVe siècle, crédit : Bernisches Historisches Museum
Dessin attribué à Ulrich d’Ensingen ou à son fils Matthäus Ensinger, début du XVe siècle, crédit : Bernisches Historisches Museum

Ulrich d’Ensingen accepte de venir à Strasbourg et présente le projet audacieux d’une haute tour octogonale entourée de quatre tourelles d’escaliers surmontée d’un petit étage. Il prévoit d’ajouter au sommet, une flèche ajourée à la silhouette légèrement incurvée.

En moins de vingt ans, le maître d’œuvre parvient à ériger l’octogone jusqu’au milieu du petit étage, avant son décès en 1419.

L’octogone de la haute tour et ses escaliers en vis

Vue de la haute tour, début du XXe siècle, crédit : F.OND
Vue de la haute tour, début du XXe siècle, crédit : F.OND

La tour octogonale de la cathédrale est composée de huit piliers et de huit grandes baies. Elle est encadrée de quatre tourelles d’escalier en vis, décorées de niches et de pinacles, qui sont indépendantes de la tour, à l’exception de deux passerelles situées au niveau du petit étage. La particularité de la tourelle nord-est réside en sa double révolution dans sa moitié inférieure : deux volées d’escaliers qui s’enroulent autour d’un noyau central, deux personnes peuvent l’emprunter en même temps sans jamais se croiser. Pour des raisons inconnues, une des volées s’interrompt à mi-chemin.

Les sculptures de l’octogone

Sur la face ouest de l’octogone, deux sculptures monumentales (2,65 m de haut) sont placées sur les piliers. Elles datent des années 1400-1410, reposent sur des socles et sont couronnées de baldaquins. L’une représente un Empereur et l’autre un Clerc (ou un moine). Elles s’inspirent du style gothique de Bohême et notamment du style praguois du XIVe siècle. Les originaux sont conservés au Musée de l’Œuvre Notre-Dame et les copies in situ, réalisées par les sculpteurs de la Fondation de l’Œuvre Notre-Dame, datent de 1966 et 1968.

Sur la galerie du petit étage, les huit sculptures (80 cm environ), monolithes, avec les mains courantes des balustrades, représentent : la Vierge à l’Enfant (patronne de la cathédrale) avec, à l’opposé, Ulrich d’Ensingen identifié grâce à son blason, les saintes Barbe et Catherine, un Taureau et un Ourson enchaîné (sans doute une référence aux constellations du Bouvier et de la Grande Ourse) ainsi que deux prophètes aux phylactères.

Vue sur les sculptures du Taureau et de l’Ourson enchaîné, crédit : F.OND, photo : Simon Woolf, 2017
Vue sur les sculptures du Taureau et de l’Ourson enchaîné, crédit : F.OND, photo : Simon Woolf, 2017

Sur la face sud de l’octogone, qui donne sur la plateforme, quatre sculptures (1,60 m de haut) sont disposées devant les piliers. Elles datent de la fin du XVe siècle et représentent : sainte Catherine, saint Laurent, l’homme au cadran solaire et le Pèlerin (il observe la tour avec acuité).

Une influence bohémienne sur le chantier de la cathédrale

L’architecture et les sculptures de l’octogone reflètent l’influence du style de Bohême. Prague est à cette époque le centre politique et artistique de l’Empire. Il se pourrait d’ailleurs qu’Ulrich d’Ensingen ait travaillé sur le chantier de construction de la cathédrale de Prague, qui attire à cette époque de nombreux artistes européens. Le maître d’œuvre Johannes Hültz de Cologne, le successeur d’Ulrich d’Ensingen, achèvera la haute tour et construira, en suivant un nouveau plan, la flèche de la cathédrale de Strasbourg.